Développement

Sevrage : vers une reconsidération des pratiques ?

Le sevrage artificiel précoce est un événement particulièrement stressant pour le poulain, qui peut influencer son développement futur.
Une récente étude menée sur des chevaux islandais élevés en conditions semi-naturelles remet en cause cette pratique.
Penchons-nous sur le sujet 🧐

Qu’entend-on par sevrage artificiel précoce ? 

Le sevrage artificiel s’effectue généralement lorsque le poulain est âgé de 4 à 7 mois, ce qui est plus précoce que ce que l’on observe habituellement sans intervention de l’homme. 
Le poulain va être écarté de sa mère, de façon souvent brutale, mettant ainsi fin à l’allaitement, mais rompant aussi par ailleurs le lien fort qu’il existe entre eux. 
Le sevrage artificiel précoce n’induit donc pas seulement des modifications alimentaires, mais également une séparation sociale. 
Ces pratiques vont être particulièrement stressantes pour le poulain, avec à court terme : 

  • Stress comportemental : augmentation des vocalises, de la locomotion active, des comportements d’élimination, un budget temps perturbé, une agressivité supérieure, une suspension du jeu, des comportements de succion dirigés vers les congénères pour tenter de palier à la frustration.
    Certains de ces comportements vont augmenter le risque de blessure. 
  • Stress physiologique : augmentation des glucocorticoïdes (hormones de stress), modifications du rythme cardiaque et stagnation de la croissance. Il pourrait en découler une diminution de la réponse immunitaire. Une plus grande fragilité du microbiote a également été montrée sous l’action des hormones de stress. 

Ces modifications sont généralement intenses les premiers jours qui suivent la séparation puis s’amenuisent au fil du temps, jusqu’à disparaître au bout de 2-3 semaines

Une étude a également pu montrer que les jeunes sevrés de façon précoce (4-6 mois) présentaient davantage de comportements stéréotypés (tic à l’appui, ingestion de bois et stéréotypies locomotrices). 

D’autres effets à plus long terme sur les capacités d’apprentissage et la fertilité notamment restent à investiguer. 

D’où vient cette pratique ? 

Bien que son origine demeure incertaine, il semblerait que le sevrage précoce soit réalisé à la fois pour des raisons pratiques et économiques. 

Dans la seconde moitié du 19e siècle il a été montré d’une part, que la production de lait de la jument diminuait fortement aux alentours du 3e mois et, d’autre part, que les besoins énergétiques du poulain à cet âge dépassaient les apports fournis par le lait maternel. Dans cette perspective un sevrage précoce aurait donc pu être considéré comme le meilleur compromis pour maximiser le développement physique des poulains.  

Cette pratique permettrait également de vendre le poulain plus tôt, d’orienter son attention vers l’homme à la place de sa mère, de faciliter la gestion de son alimentation en évitant l’interférence de la mère et peut-être aussi d’optimiser le potentiel reproducteur de la jument en limitant l’impact potentiellement négatif de soins maternels prolongés. 

Plusieurs de ces raisons sont davantage basées sur des coutumes et des habitudes, voire même pour certaines sur des fausses croyances. De nouvelles connaissances sur ce sujet remettent en question ces pratiques pour le bien-être du poulain et de sa mère. 

Ce que nous apprend cette étude 

Cette étude a été menée sur 16 dyades mère-poulain élevés en conditions semi-naturelles en Islande. Des observations journalières durant 6 mois ont permis de montrer un sevrage aux alentours de 9 mois. Les poulains ne tétaient plus mais la relation privilégiée avec la mère était conservée, leur budget temps n’était que peu affecté et aucun comportement de stress ou de frustration n’a pu être relevé. 

On peut alors se demander si le stress généré par un sevrage précoce est davantage lié au sevrage alimentaire ou physique. Il a été montré dans une autre étude que le sevrage alimentaire seul (par positionnement d’un cache sur les mamelles) n’induisait pas de stress comportemental chez le poulain. On ne pouvait pas en dire autant pour le groupe qui a été confronté à une séparation physique avec la mère. Des comportements de stress assez marqués sont alors apparus. Ce serait donc la rupture du lien social avec la mère, à un âge précoce qui serait le plus stressant pour le poulain. 

Conclusion 

Dans la nature le sevrage semble se faire de façon progressive, sur plusieurs mois, par une augmentation de la distance mère-poulain, une diminution de la fréquence de tétée associée à une diversification de l’alimentation et un élargissement du cercle social. Il survient généralement entre 9 et 11 mois, sans stress, et le poulain joue un rôle actif dans la séparation. 

La science nous permet aujourd’hui de remettre en question le sevrage précoce couramment pratiqué. Laisser davantage les poulains avec leur mère, dans la mesure du possible, et leur laisser prendre leur indépendance de façon progressive, permettrait d’éviter le stress important lié au sevrage, et les problèmes de comportement et blessures éventuelles qui peuvent y être associés. 

Référence

Henry, S., Sigurjónsdóttir, H., Klapper, A., Joubert, J., Montier, G., & Hausberger, M. (2020). Domestic Foal Weaning: Need for Re-Thinking Breeding Practices?. Animals10(2), 361.